Tezio Corteze
Инженер мечты
Des Articles
Après l’arrêt d’Espace Magazine, c’est Marie-Ange Sanguy qui se lança dans l’aventure et créa Espace et Exploration, petit cousin de la première revue. Naturellement elle sollicita quelques rédacteurs fidèles pour l’aider à sortir la revue et je ne pu refuser de faire un article de commande sur les 25 ans de mon ‘’bébé’’ ; la station MIR.
Publié sur deux numéros pour laisser de la place aux copains...
MIR - la station soviétique devenue russe
Espace et Exploration n°01 – Jan./Fev. 2011
Du module de Base aux chars de Moscou
Baïkonour - URSS, 19 février 1986, peu avant minuit. En regardant s’éloigner la Proton qui illumine la nuit, les techniciens savent qu’avec cette nouvelle station, ils se lancent dans une grande aventure technologique. Mais peuvent-ils imaginer qu’avec MIR, ils vont marquer une grande page de l’histoire de la cosmonautique, y connaitre des joies, des peines, traverser l’effondrement de leur pays, collaborer avec leurs ‘’ennemis’’ idéologiques et réaliser de fait, la première station internationale de l’histoire.
Est et Ouest
Car il y a 25 ans, c’est un autre monde que la station Mir survole. Deux Mondes s’affrontent idéologiquement et économiquement - L’Est et l’Ouest. Le pays qu’elle vient de quitter, l’URSS, n’a plus que 6 ans devant lui avant d’auto imploser. Mais c’est encore un pays fermé où les informations filtrent au compte goute. Depuis 15 ans, les soviétiques, qui ont raté la Lune, se sont tournés vers les vols habités de plus en plus longs à bord de stations orbitales, brouillant habilement les pistes en les lançant sous la même étiquette Saliout, quelles soient militaires ou civiles. C’est par surprise que les soviétiques annoncent le 19 février 1986 avoir lancé une nouvelle station orbitale qu’ils ont baptisé MIR. Surprise, non pour ce nouveau nom, remplacé au pied levé et peint sur le module quelques jours avant le lancement dans les hangars de Baïkonour. Les Américains auront la liberté (Freedom), les Russe la Paix*. (*Paix, un des deux sens possible pour Mir avec Monde - Société)
Non, la surprise vient du fait que dans l’espace, la station Saliout 7 n’a pas encore terminée son programme. Dans 6 jours, s’ouvre à Moscou le 27ème congrès du PC de l’URSS. Le lancement répond aux exigences de la politique, ce sera le dernier.
Avec Saliout 7, les soviétiques ont passé prés de 800 jours à bord et ont testé à deux reprises l’assemblage avec de gros modules de 20 tonnes, leur permettant de répéter les grandes manœuvres qu’ils comptent réaliser avec Mir (21 t – 90 m3). Depuis Saliout 6, les stations Saliout possèdent deux sas de jonction, un à l’avant, l’autre à l’arrière permettant le ravitaillement en vol, mais surtout, la relève à chaud d’équipages, seule voie possible à l’occupation permanente de l’espace. Nouveauté, à l’avant de Mir, c’est une sphère de 2,2m de diamètre qui abrite 4 sas de jonction complémentaires répartis autour du sas axial traditionnel.
A l’Ouest, on en conclu que cette nouvelle station va recevoir 4 modules, trop vite baptisés Modulny et que l’on imagine à l’image Cosmos 1686, encore arrimé à Saliout 7. On comprend que ce module de Base, de plus de 20 tonnes, est la première brique d’un gros puzzle. Et les mêmes observateurs se demandent, quel rôle va jouer dans l’assemblage de cette nouvelle station, cette navette que les Soviétiques préparent en secret.
Le premier équipage va également créer la surprise. Au 66ème jour de la première occupation de Mir, un communiqué de l’agence Tass annonce que l’équipage va rejoindre la station Saliout 7, située sur le même plan orbital, quelques 3 000 km devant. 50 jours plus tard, ils retourneront vers Mir, démontrant ainsi leur parfaite maitrise des techniques orbitales. Soloviev rentrera sur Terre en juillet avec son casque de vol frappé des poinçons des deux stations.
KVANT, KVANT 2 et KRISTALL
En mars 87, la nouvelle surprise va venir du premier module complémentaire lancé vers Mir : Kvant. C’est un module hybride, conçu à l’origine pour rejoindre l’avant de Saliout 7. Il est constitué d’un remorqueur (9,6t) qui vient livrer, en le connectant à la station, sa partie avant habitable (11t), avant de se retirer du complexe. Outre ses équipements complémentaires, ce module est un véritable laboratoire d’astrophysique qui se paie le luxe d’arriver en orbite peu de temps après une rare explosion de supernova. Seulement, afin de préserver le sas avant pour les gros modules, c’est à l’arrière que Kvant est définitivement arrimé, empêchant ainsi l’utilisation des moteurs de Mir pour les relèves d’orbites. Les Progress, déjà programmés pour livrer le carburant se chargeront dorénavant de ce travail. (32 t – 130 m3).
Le premier gros module complémentaire prend la route de l’espace en novembre 1989, et ce n’est pas la navette Bourane, qui vient d’effectuer son premier et unique vol automatique un an plus tôt, qui se charge de ce lancement. C’est une Proton qui place en orbite les 19,6 t de Kvant 2. C’est un module dérivé des TKS, la partie cargo du projet de station militaire Almaz de Vladimir Chelomei qui finalement obtient sa revanche posthume !
A la différence des futurs modules américains, ce type de module est autonome. Piloté par le sol, il possède ses propres panneaux solaires, moteurs de contrôle d’attitude et système de rendez-vous et de jonction. Comme pour ceux qui vont suivre, la jonction est réalisée dans l’axe avant de la station afin d’en limiter les contraintes mécaniques. Mais leur autonomie ne s’arrête pas là. Piloté cette fois par les cosmonautes à bord, un petit bras électrique situé à l’avant du module vient se positionner sur un des 2 points d’ancrage du nœud de Mir. Relâchant le sas axial de Mir, le module entame une longue rotation de 90° pour se retrouver sur l’un des 4 sas latéraux du nœud avant de Mir. Voilà la clé de Mir, simple et efficace à qui les Soviétiques donnent le nom de ‘’patte d’Ours’’.
Kvant 2 se positionne le 8 décembre 89 sur le sas ‘’haut’’ et il y restera. Le confort rejoint Mir. Du volume habitable, une douche, un lavabo et surtout un vrai sas de sortie dans l’espace avec ses scaphandres et petit cadeau bonus, un fauteuil autonome Ikarus – la réponse soviétique 6 ans après le MMU américain. Il n’effectuera que 2 vols début février 90, restant toujours attaché à Mir. (52 t – 190 m3).
6 mois plus tard, un nouveau module baptisé Kristall se connecte à Mir et se positionne symétriquement sur le sas du bas pour assurer un bon équilibre au complexe en forme de T. (72 t – 250 m3). La particularité de ce module, outre son matériel de cristallographie qui lui vaut son nom, réside dans la présence d’un nouveau nœud à l’avant équipé d’une baie d’observation et de deux sas dont l’un est équipé d’un mécanisme de jonction androgyne APAS 89, tout droit issue de celui d’Apollo Soyouz. Il est destiné à la navette Bourane et quelques Soyouz qui répéteront la manœuvre.
A bord, une naissance : le premier animal à naitre dans l’espace est une caille. La présence permanente de l’Homme dans l’espace s’organise. Régulièrement un équipage principal de 2 cosmonautes séjourne environ 6 mois et lors du changement d’équipage, un 5ème homme profite de la semaine de relève pour effectuer un séjour scientifique. C’est dans ce cadre que vont avoir lieu les missions internationales dont la France et l’Europe profitent.
Décembre 1990, un journaliste japonais se voit offrir par sa chaine un séjour d’une semaine à bord de Mir. L’offre financière était trop tentante pour le spatial soviétique qui souffre. De fait, Akiyama devient le premier touriste spatial. Il n’en profitera que très peu, malade la majeure partie du vol !
Des chars à Moscou
Aout 1991, des chars et des morts à Moscou ! En septembre, après le coup d’état contre Gorbatchev, le bruit court que la station Mir va être vendu aux américains ! A bord, les cosmonautes demandent au sol s’ils font partie de la transaction !
Le spatial souffre. On tente même d’économiser les Soyouz destinés aux vols ‘’d’invités payants’’ pour réduire les coûts. Automne 1991, un Autrichien et un Kazakh partent ensemble vers Mir, accompagné d’un seul Russe pour la relève. L’autre accepte de prolonger son vol de 6 mois. La presse rend son nom célèbre en le qualifiant de ‘’dernier citoyen soviétique’’. Lorsque Sergeï Krikaliev revient sur Terre, sa combinaison Sokol porte encore le drapeau soviétique. Il n’imagine pas qu’il reverra la Terre depuis une navette américaine, qu’ISS va vraiment se réaliser et qu’il en sera le premier commandant.
25 décembre 91, le drapeau rouge qui flottait sur le Kremlin depuis 1917 est remplacé par les 3 couleurs ; blanc, bleu, rouge de la nouvelle fédération de Russie. Ironie de l’histoire, pendant encore quelques mois le dernier drapeau arborant la faucille et le marteau, fait le tour de la Terre toute les 90 minutes tout en haut de la structure Sophora de Mir.
1992, les bouleversements se poursuivent dans l’ex URSS. Les nouvelles républiques remettent à plat les accords avec la Russie. Le Kazakhstan ferme les stations de poursuite et exige un paiement ‘’cash’’ pour chaque lancement. Dans ce contexte, les observateurs s’interrogent sur la longévité de Mir qui a dépassé de durée de vie estimée à 5 ans. Celles des 2 modules Kvant est arrivé à son terme. Se pose alors la question de lancer les 2 derniers modules, non encore achevés, vers une station en fin de vie ?
En coulisse, un rapprochement entre les russes et les américains, va être bénéfique aux deux partis et permettre de sauver MIR. Coté américain le budget de leur future station explose et le Congrès s’apprête à arrêter le projet. De leur coté, les Russes présentent leur projet de station MIR 2, un mélange du MIR et de l’américaine Freedom, dont le corps central doit être lancé en 1996, mais avouent-ils, sans financement. Cet accord arrive au bon moment. Pour faire simple, 5 américains vont pouvoir séjourner dans Mir et découvrir les vols de longue durée. En échange, ils vont apporter une logistique matérielle avec 10 vols de navette et surtout apporter 400 Millions de Dollars permettant de financer les deux derniers modules et prolonger la vie de la vieillissante Mir. Ce sera la phase 1 de la Station Spatiale Internationale dans laquelle les Russes sont maintenant partenaires.
Les Russes découvrent les nouvelles règles de l’économie. Presque tout est à vendre. Les Chinois saisissent l’opportunité pour acquérir la technologie qui va leur donner l’autonomie en matière de vols habités.
Des réticences se font jour mais finalement l’accord se met en place. 3 navettes sont modifiées et symboliquement, Sergeï Krikalev est invité à bord de Discovery en février 1994. Mais MIR n’est pas l’objectif. Il le sera un an plus tard, toujours avec Discovery, pilotée pour la première fois par une femme, Eileen M. Collins. Les manœuvres de survol et de rendez-vous et sont répétées et les deux sas des véhicules ne seront distant que de 11 m. La voie est ouverte pour la jonction.
Un mois et demi plus tard, le 22 mars 95, Soyouz TM-20 rentre sur Terre.
A son bord, Alexandre Viktorenko et Elena Kondakova viennent d’accumuler plus de 169 jours dans l’espace, faisant d’Elena le recordwoman de séjour féminin. Le 3ème membre d’équipage est le Docteur Poliakov qui revient après 437 jours dans l’espace.
Le vol des records !