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Des Articles

 

Ultime article de la saga Lune rouge, la fin de la description du module lunaire LK.

 

 

Lune rouge 7 - Un vaisseau secret d'état - fin

Espace et Exploration n°09 – Mai/Juin 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis plusieurs numéros, nous avons détaillé les tentatives Soviétiques de remporter la course à la Lune. Pour finir cette série, nous allons étudier la partie supérieure du module lunaire de l’URSS. Un vaisseau dont l’existence même fut longtemps niée par Moscou.

 

L’étage de remonté

C’est une masse de prés de 4 tonnes qui va quitter la Lune et remonter en orbite lunaire, 3 800 kg très exactement dont 2 100 kg de carburant. 

La Cabine pressurisée

Destinée à un unique cosmonaute, celui-ci pénètre dans la cabine à l’issue d’une sortie extravéhiculaire réalisée depuis le LOK en orbite lunaire. Il est revêtu de son scaphandre de sortie lunaire KRETCHET-94, (Faucon gerfaut en russe) dont est dérivé la variante porté par son compagnon en orbite, le scaphandre Orlan, toujours utilisé de nos jours pour les sorties depuis ISS.

Dés que l’unique écoutille est refermée, le cosmonaute va positionner ses deux pieds dans les calles pieds au sol et connecter la structure de son scaphandre au niveau de la ceinture, au tableau de bord pour se rendre parfaitement solidaire du véhicule. Ainsi le centre de gravité pourra conserver sa place. Une des conséquences de cette immobilité partielle de l’unique cosmonaute, un tableau de bord très ramassé dont l’ergonomie répond à ces contraintes.

A gauche sont installés, la vanne de dépressurisation (écoutille de sortie à gauche), le bloc de commande de l’environnement de bord et du scaphandre ainsi que le bloc radio. Au centre on trouve une sorte de ‘’guidon’’ de maintient positionné sous le grand hublot circulaire. Ce ‘’guidon’’ reprend les 3 points d’ancrage de la ceinture du scaphandre Kretchet, tels que l’on peut les voir dans les musées. En aucun cas ce ‘’guidon’’ sert dans le guidage du véhicule. Il est rabattable sous le tableau de bord pour laisser un peu plus de place au cosmonaute, comme pour la sortie par exemple. C’est sur le coté gauche de ce ‘’guidon’’ que se trouvent les commandes manuelles de pilotage. Des tests avec des gants furent réalisés lors de la conception des commandes débouchant sur le besoin d’accoudoirs.

Sur la droite, d’un bleu magnifique, est implanté le boitier de commande et d’afficheurs des séquences de vol préprogrammées.

 

C’est la forme sphérique qui va être privilégiée pour créer cette partie pressurisée du LK (habitable et instruments) par assemblage de deux portions de sphères (2,3m x 3 m). Il semble également que l’on retrouve des structures dérivés du compartiment orbital (BO) du Soyouz. Comme pour Apollo, l’écoutille va poser quelques problèmes. Dérivée de celle du BO du Soyouz, elle s’avère rapidement trop étroite pour l’équipement dorsal du cosmonaute sortant à 4 pattes et en reculant. Une trappe de forme ovale, ouvrant vers l’intérieur est donc aménagée. Une première ! Sa mise au point s’avère complexe.

Face à lui sur une surface bombée vers l’intérieur, le cosmonaute dispose d’un grand hublot circulaire lui permettant d’avoir une vision vers le sol lunaire (7°) aidé d’une grille et d’un collimateur pour localiser le point d’alunissage. Juste au dessus, un petit hublot logé dans une surface bombée vers l’extérieur, est à sa disposition pour le rendez-vous.

L’environnement à bord est de l’air (oxygène + azote) avec une pression de 560 mm Hg, équivalente à 2 400m d’altitude. En fonction des étapes, le cosmonaute pourra ouvrir sa visière ou se raccorder au système de survie de bord.

Les concepteurs ont conçus le LK avec la même philosophie que le Soyouz de sorte que le programme puisse se dérouler quasiment sans intervention humaine, mis à part l’ultime phase d’alunissage.

Derrière le cosmonaute, une seconde paroi bombée trahit la présence d’un compartiment pressurisé dont la forme cylindrique est bien visible à l’extérieur. Il abrite les équipements du système de gestion, pour la radio, l’alimentation, la thermorégulation et le rendez-vous.

 

L’énergie

Du fait de la durée de vie demandée au LK (48h), le choix de batteries chimiques fut tout de suite décidé.  Leur localisation fut décidée à l’extérieur pour deux raisons.

  • Afin de pouvoir les installer au dernier moment, sur le pas de tir garantissant la meilleure énergie possible (durée de chargement garanti 3 mois).

  • Permettre aux ingénieurs de les déplacer afin de gérer les problèmes de centre de gravité toujours présents (30 mm de marge pour le positionnement du cosmonaute pendant les phases propulsées.)

3 batteries furent installées dans un compartiment fixé à coté de l’échelle de descente, sur l’unité d’alunissage restant sur la Lune.

2 autres, destinées plus spécifiquement à l’étage de remonté, furent logées dans un petit compartiment, vers l’arrière, semblant flotter entre le compartiment hermétique et le bloc moteur. La variable d’ajustement du centre de gravité.

 

Antennes. Une série d’antennes complète la description. Outre les deux antennes de télévision fixées sur le LPU, 2 antennes omnidirectionnelles se déploient vers l’avant et l’arrière de la capsule complétées à l’avant de 2 antennes pour le rendez-vous. Une série d’antennes faible gain sont réparties tout en haut, autour de la plaque de régulation thermique, ainsi que sur le LPU. 

N’oublions pas les caméras de télévision. Fixé sur le hublot avant sur le LK de secours inhabité pour renvoyer les images de l’alunissage ou bien dans sa position nominale, au dessus de l’écoutille pour retransmette la descente de l’échelle et les premiers pas du cosmonaute. Comme nous avons pu le voir dans les articles précédents, la marche lunaire était également filmée par le ou les Lunokhod déjà sur place.

Reste les rampes de maintien pour aider le cosmonaute dans son déplacement aller - retour du LOK au LK. Visiblement aucune trace dans la littérature ni sur les modèles encore visibles chez les constructeurs. Mais comment s’en passer. Alors, il suffit de positionner ‘’dans l’espace’’ le LOK en position de jonction pour en déduire ce qui est représenté ici. Enfin y a également les 7 premières marches de l’échelle, solidaire de l’étage qui remontent en orbite, pour la gloire !

 

Le module supérieur

Sans être véritablement un véritable module, ce lourd élément de 70 cm de haut chapeaute le LK, solidement fixé par 4 points d’ancrage sur la capsule pressurisée. Visuellement, il redonne l’axe vertical du véhicule.

Il abrite le Système de contrôle d’attitude composé de réservoirs  pressurisés à l’azote et de 4 blocs moteurs orientés avant (+Z), arrière (-Z), gauche (+X) et droit (-X). Chaque bloc supporte 2 moteurs de 40 daN orientés de 20° vers le bas et 2 moteurs de 10 daN orientés latéralement. Le bureau d’étude de Yangel n’ayant pas d’expérience dans le domaine, c’est le bureau d’étude d’Aleksei Isaev qui prit en charge leur développement. Destiné à modifier l’attitude latérale mais également horizontale du LK, le système dispose d’une réserve d’ergols (N2O4/UDMH) de 100kg. Situé au point le plus haut du vaisseau, les ingénieurs ont du faire preuve d’ingéniosité pour gérer le centre de gravité, les obligeant à mixer les deux réservoirs avec une membrane commune. Une première en URSS.

Le système de jonction Kontact

Au moment de la conception du LK, les essais sur les systèmes de jonctions permettant le passage des cosmonautes au travers (type Apollo) posaient quelques soucis en URSS. D’autre part, comme le bilan de masse du programme explosait de toute part, il fut décidé de mettre au point un mécanisme simple de capture, permettant une liaison rigide entre le vaisseau orbital (actif) et le vaisseau lunaire (passif). Le cosmonaute souhaitant passer du vaisseau orbital vers le module lunaire devait effectuer une simple sortie extra véhiculaire, exercice qui fut répétée lors de la mission Soyouz 4 et 5. 

Sur le LK, au-dessus du bloc de contrôle d’attitude, est installée une structure circulaire épaisse, de 108 cm de diamètre. Elle est perforée de 96 trous hexagonaux dans l’un desquels doit pénétrer la tige active du vaisseau orbite (LOK). Le mécanisme devait être testé avec deux Soyouz en orbite terrestre, mais la mission fut repoussée à plusieurs reprises avant d’être abandonnée à l’arrêt de programme.

Thermorégulation

Entourant la plaque perforée du système de jonction Kontact, se trouve le système de régulation thermique, échangeur prenant la forme d’une plaque métallique circulaire. En cas d’échec de jonction, cette plaque assure également une protection complémentaire de l’habitacle contre la pointe avant du LOK.

 

Le Block moteur du LK.

Contrairement à Apollo, c’est au même Block moteur que l’on va confier la phase finale de l’alunissage et la remontée en orbite.

Le Block E, semble accuser une masse de prés de 3 tonnes – 2 950 kg exactement. Sa masse à vide avoisine les 550 kg, ce qui laisse prés de 2 400 kg de carburant, principalement destinés à la remonté en orbite – 2 100 kg. Les premiers 280 kg sont consommés quand le LK prend son autonomie pour se poser, après le largage du Block D. (voir la description de la mission dans E&E sep/oct 2011)

Le moteur du Block E est en fait composé de deux moteurs pour des raisons évidentes de sécurité.

  • 1 principal, mono tuyère, dénommé RD-858 de 2 050 kg de poussée.

  • 1 secondaire, dit de réserve, RD-859 de 2 000 kg de poussée, équipé de deux tuyères.

Pendant l’alunissage, suite à la séparation du Block D, les deux moteurs du LK sont mis à feu simultanément. C’est seulement après vérification automatique du bon fonctionnement du moteur principal que les deux tuyères du moteur secondaire sont coupées. Dans le cas contraire, le moteur principal est éteint et le moteur secondaire assure le retour vers le vaisseau orbital.

Pour quitter la Lune, le même processus est prévu. Allumage des deux moteurs, extinction du secondaire et mise en orbite sur le moteur principal.

Une cinquantaine de seconde de pleine puissance sont prévue pour l’alunissage et afin de laisser au pilote la possibilité de choisir le point d’alunissage, la poussée du moteur principal peut être réduite à 850 kg pendant une centaine de secondes. Il semble qu’en fin de programme, ces chiffres furent révisés à la baisse ne laissant que 15 à 20 secondes de vol plané pour aller trouver un point d’alunissage 100 m plus éloigné que le point d’origine. Pour la remonté en orbite, le moteur dispose de 350 secondes de fonctionnement en pleine puissance.

 

Contrairement au lanceur N1, un nombre important de tests furent effectués. Fin 1972 on comptait plus de 250 allumages du moteur !

     

Sous les 3 tuyères des deux moteurs – et accessoirement des 4 tuyères d’échappement des turbines des moteurs, les concepteurs ont installé deux volets, à l’image de deux lèvres qui se ferment au moment ou le moteur est coupé, afin de protéger celui-ci des éventuelles projections intempestives du sol lunaire.  Leur ouverture s’effectue juste avant le décollage.

L’examen interne de ce Block E permet de remarquer à nouveau que les concepteurs ont fait preuve d’astuces ici aussi pour tenter d’abaisser le centre de gravité du véhicule. Le moteur est physiquement encastré au centre du Blok E, entièrement entouré de réservoirs au-dessus et autour.  (1,2 m3 de N2O4/UDMH).  Difficile de trouver plus de 2 ou 3 illustrations de ce moteur dual, à moins d’avoir un peu de chance et de se voir offrir un petit calendrier souvenir chez le constructeur et…de s’en souvenir quelques années plus tard.

 

Quel aspect ?

Il ne reste plus qu’a protéger le LK avec sa protection thermique passive. Mais de quelle couleur ? Le LK aurait-il été vert, comme l’était le vaisseau orbital LOK ou le L1/Zond. L’enquête fut minutieuse et les indices minces ! C’est finalement celui qui aurait du être le premier soviétique à marcher sur la Lune qui nous l’a confirmé – Merci Stéphane Sebile, qui s’est rendu à Londres pour lui poser la question ! Le LK aurait été blanc, pas un blanc pur, mais laissant transparaitre un aspect aluminisé en sous face (effet nacré et non ivoire comme les modules de MIR et ISS).

Déjà il y a quelques années, la révélation de la couleur du revêtement thermique des sondes automatique Ye8 type Luna 15 et surtout Lunokhod, les images du documentaire ‘’Tank sur la Lune’’ de Jean Affanassieff, puis les photos HD prises sur la Lune nous avait mis la puce à l’oreille. Le LK serait-il blanc ? Autre indice, l’examen des restes de revêtement thermique sur le modèle le plus abouti du MAI, avant qu’il ne soit restauré pour venir à Disneyland Paris. Sur l’image ci-dessous, prise sur le flanc droit de la partie inférieure du LK du MAI, le revêtement thermique est encore présent sur le haut de l’image, derrière le compartiment pressurisé (ici ouvert).  

Sur l’autre image, des techniciens posent le revêtement thermique sur le haut du Block E avant de fixer la partie habitable du véhicule.

A part quelques sous parties ou test particulier, il semble qu’aucun LK n’ait un jour possédé l’ensemble de son revêtement thermique de vol, le programme ayant été arrêté avant cette étape. Seuls les trois modules d’essais en orbite terrestre (Cosmos 379, 398, 434 – voir Espace & Exploration n°7) ont probablement reçus leur livrée de vol. A ce jour, l’unique photo disponible semble confirmer la couleur blanche.

La sortie lunaire

L’autonomie du LK devait être de 72 h dont 48, au maximum sur le Lune. Le temps de séjour sur la Lune varie suivant les sources consultées mais tourne autour d’une heure et demi. Pour le premier séjour avaient été listées des actions évidentes comme le déploiement du drapeau et de quelques instruments scientifiques, le prélèvement d’échantillons, un reportage photo une liaison TV avec le cosmonaute. Le LK serait resté 6 h à la surface. La littérature évoque la présence d’une sorte de cerceau à la ceinture du cosmonaute lui permettant de se retourner en cas de chute sur le dos. Mais aucune confirmation ni trace photographique !

 

Les outils

Les scientifiques soviétiques ont également réfléchis, conçus et testés les outils qu’auraient pu utiliser leurs cosmonautes. Des tests, tant pour le scaphandre que pour l’utilisation des outils, furent même réalisés à bord d’un Tupolev 104 modifié, dont le profil de vol simulait la gravité lunaire. Ils ont pu démontrer que la stabilité du scaphandre Kretchet, était assurée sans effort sur des pentes jusqu’à 14°.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

L’Histoire en a décidé autrement. Aucun LK n’a pu rejoindre la Lune et Leonov n’a pu fouler la poussière lunaire. Il y a quelques années j’avais l’habitude de dire que finalement, Leonov l’a échappé belle !

Mis part les 3 modules sans jambes d’alunissage qui ont survolés la Terre pendant prés de 20 ans dans l’ignorance générale, les quelques modèles d’ingénierie ou de vol sont restés dans l’ombre avant de passer pour l’un d’eux, à la lumière du grand public pour l’inauguration de Disneyland Paris.

Le nombre même des prototypes encore existants n’est pas encore sur à ce jour...

Sur la Lune, ce ne sont que des drapeaux américains qui sont déposés à coté des restes des 6 étages de descente abandonnés.

Il y a 40 ans, pas mal d’ingénieurs ont du rêver à cette vue d’artiste.

Finalement, le seul drapeau soviétique qui ait été sur la Lune et qui soit revenu est à Moscou, au musée de la cosmonautique : celui rapporté par Apollo 11, offert au peuple de l’URSS par Richard Nixon! 

 

 

 

 

Fiche technique

■ Nom : Lunnly Korabl (vaisseau lunaire)                                                   Photo (c) Igor Bondareff ...................

■ Acronyme : LK

■ Désignation industrielle : Objet 11 F 94

■ Taille : 5,2 m

■ Envergure du train : 5,4 m

■ Masse totale avant la descente 

(hors Block D) : 5.560 kg

■ Masse au décollage de la Lune : 3.800 kg

1. Structure d’alunissage du LK – LPU

2. Moteur de descente – Block E

3. Cabine pressurisée (1 cosmonaute)

4. Système dorsal de survie –

Scaphandre Krechet

5. Hublot d'observation pour

l'alunissage

6. Blocs-moteurs de contrôle d'attitude

7. Radiateur du système de régulation

thermique

8. Plaque pour dispositif d'amarrage

(passif)

9. Capteur de ciblage

10. Capteurs d'alignement

11. Compartiment d’instrumentation

12. Caméra de télévision

13. Antennes omnidirectionnelles (2)

14. Batteries chimiques (3 + 2)

15. Jambe équipée d’un patin

16. Structures avec amortisseurs

17. Radar d’alunissage ‘’Planeta’’

18. Compartiment d'instrumentation du

LPU

19. Antennes à faible gain

20. Antennes système de rendez-vous (2)

21. Antennes de télévision (2)

22. Moteurs fusée destinés au plaquage

au sol (4)

23. Moteur principal (1 tuyère)

24. Réflecteur

25. Moteur de secours (2 tuyères)

26. Mains courantes – EVA vers LOK

27. Cordon ombilical entre la cabine et

le LPU

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