top of page

Des Articles

 

En 2005, des amis graphistes qui mettent en page une revue bien particulière (liée à tout ce qui touche aux enterrements !), me demandent de leur faire un article sur l’espace et les océans. Ce n’est pas nécessairement mon sujet de prédilection à l’époque, mais l’exercice me tente.

 

Espace, Océan et Climat

TRANSITION n° 43 – été 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La vision globale 

Berceau de la vie, les océans couvrent 70 % de la surface de notre planète bleue.

Depuis l’antiquité, les hommes cherchent à mieux comprendre les variations de ce milieu hostile. Dès cette époque, les navigateurs collectent, lors de leurs voyages, des informations sur les courants, les vents, les températures, etc.

A partir du XVIIIème siècle et suivant l’air du temps, cette collecte d’informations s’inscrit dans une démarche scientifique avec l’apparition des premières grandes expéditions océanographiques.

Plusieurs grandes étapes du XXème siècle vont amener l’Homme à s’intéresser à la planète dans sa globalité et non plus par région, par continent ou par océan.

En 1915, un météorologue Alfred WEGENER propose pour la première fois l'hypothèse d'une dérive des continents. 

Mais il faut attendre les années 50 et 60 pour prouver que WEGENER avait raison que les continents dérivent bien rendant cohérentes des décennies d’observations de phénomènes géologiques.

 

Prendre du recul 

Curieusement, c’est la course à l’espace qui permet à l’Homme de prendre conscience de sa fragile place dans l’Univers lorsqu’il découvre via les missions spatiales, sa planète depuis l’espace, puis depuis la Lune.

C’est à cette même période, que l’écologie planétaire prend naissance. Il devient évident que la protection de l’environnement est incontournable et qu’il doit être planétaire.

Depuis 30 ans, de nouvelles disciplines – on parle de Géosciences ou de sciences de la planète – sont fondées principalement sur les mesures des satellites qui sont devenus de véritables outils incontournables aux mains des scientifiques, chercheurs et décideurs.

L’arrivée des satellites a totalement bouleversé notre vision de la planète. Maillons les plus visibles de systèmes complexes, les satellites mesurent, décryptent, surveillent systématiquement la Terre. Entrevues au cours des années 60, des techniques d’observation spatiales spécifiques aux océans ont émergé dans les années 70.

Elles ont connu le niveau de maturation et de précision au début des années 90 pour atteindre maintenant une phase d’exploitation.

Parmi tous ces projets, en 1992, un programme expérimental franco – américain TOPEX/POSEIDON, marque un tournant capital dans l’étude des océans. Depuis, fort de cette expérience, plusieurs autres satellites ont pris et prennent la route de l’espace permettant la continuité des mesures.

 

Que nous apportent les satellites ?

Prenons l’exemple du pécheur. Avant l’avènement du spatial, celui-ci était seul et il s’appuyait sur la connaissance et l’expérience de ses aînés.

Aujourd’hui, le pêcheur dispose en premier lieu des télécommunications, lui permettant de joindre les siens, informer, prévenir et alerter. Il connaît les prévisions météorologiques locales lui permettant de choisir la bonne période pour ses campagnes de pêches. Des équipements, qui s’appuient sur les satellites lui permette de connaître son positionnement précis, renforçant sa sécurité. Depuis peu, il peut également connaître les courants, qui associés à la météo sont un gage d’efficacité supplémentaire. Déjà, certaines données permettent d’estimer les meilleures zones de pêches. Ces nouvelles prévisions vont s’avérer cruciales pour la gestion globale des ressources planétaires.

 

Depuis l’espace, en tournant autour de la Terre à des vitesses environ mille cinq cent fois supérieures à celle d’un navire, les satellites nous offrent une vision globale de la planète en quelques jours, ce qui peut être considéré comme une vision instantanée comparativement au rythme des variations des océans. De plus, ces mesures sont effectuées par le ou les mêmes capteurs, ce qui nous permet un étalonnage des mesures plus aisé nous assurant une homogénéité et une fiabilité de ces mesures. Enfin, nous disposons maintenant de suffisamment de recul – plus de 10 ans de mesures en continu – pour en tirer quelques enseignements et passer en quelques années de suppositions à des certitudes.

 

Mesurer le niveau de l’eau 

Nous avons appris à mesurer la topographie de surface des océans – Niveau de l’eau par rapport à un niveau de référence. Ce niveau de l’eau trahit tout ce qu’il y a dessous. Un peu comme le baromètre mesure la pression de l’air et qui en réalité mesure le poids de la colonne d’air situé au-dessus de lui. La Terre est ronde, certes. Mais la surface de l’eau n’est pas parfaitement lisse. Plusieurs variations perturbent ce niveau de l’eau idéal. Pour bâtir ce niveau de référence – le Géoïde terrestre - les scientifiques sont partis de la hauteur qu’aurait la Mer avec la gravité terrestre mais également en tenant compte de la topographie du fond des océans. Car la surface des océans nous renseigne également sur cette topographie des fonds marins - bathymétrie. Les masses d’eau glissant sur les fonds montagneux des océans se traduisent par des bosses à la surface.  Les mesures effectuées par les satellites nous ont permis de découvrir ainsi de nouvelles montagnes sous-marines.

 

Eaux chaudes

Si vous changez la température de l’eau à moins 1500 mètres, cela aura des conséquences sur les courants et se traduira par une modification de la surface de l’océan.

Chacun sait que l’été dans l’hémisphère Nord, les océans chauffent. A l’automne, cette chaleur emmagasinée se traduit par une dilatation de l’eau et une augmentation du niveau de surface que nous savons maintenant mesurer et qui est de plus de 10 cm.

Mais l’interprétation n’est pas si simple. L’arrivée de ce genre de mesures a bouleversé nos connaissances.

Nous avons ainsi pu mesurer les grands courants comme le Gulf Stream qui se traduit par une «bosse» de 80 cm à la surface de l’Atlantique. De même au Japon dans le Pacifique Nord, le courant KuroShivo accuse lui plus d’un mètre par rapport au niveau de référence.

En mars 1997, l’anomalie climatique nommée El Niño, bien connue des Péruviens, a pu être suivie par le satellite Topx-Poséidon qui a pu l’observer, de la naissance du phénomène jusqu’à son paroxysme en décembre. Il mesura une élévation de la surface de l’océan Pacifique tropical est de plus de 20 cm par rapport au niveau de référence. El Niño a fait 21 700 morts et plus de 30 milliards d’€uros de dégâts. Depuis, nous avons appris à mieux comprendre le phénomène et surtout d’en détecter les prémices afin d’avertir les populations.

Véritable test en matière de prévision climatique, l’épisode 1997-1998 d’El Niño a permis aux scientifiques du monde entier d’analyser ce phénomène complexe ou océans et atmosphère sont en étroite relation. C’est ainsi que nous avons pu vérifier que

10 ans plus tard, nous sommes en passe de pouvoir disposer de véritables prévisions climatiques saisonnières. Pas de la Météorologie, mais des prévisions concernant le climat et pouvoir répondre à des questions parfois vitales comme : L’été prochain sera-t-il sec ?

 

Modéliser les marées 

Attribuées dès l’Antiquité à l’influence de la Lune et du Soleil, les marées déforment les masses d’eau océaniques suivant le cycle bien connu de 12 et 24 heures. Même si le phénomène est bien compris, la modélisation hydrodynamique des marées est extrêmement complexe car il fait appel à de nombreux phénomènes qui interagissent entre-eux. Les mesures (précises à 2 cm) dont nous disposons depuis plus de 10 ans grâce aux satellites dédiés aux océans nous ont permis d’améliorer et de préciser les modèles théoriques de marées qui restent encore l’un des phénomènes physiques les plus difficiles à cerner.

Par contre, nous avons découvert que les marées sont responsables des échanges entre les différentes couches d’eau, de surfaces et du fond des océans.

Tout comme l’atmosphère, l’océan varie aussi au rythme des saisons. Le refroidissement et le réchauffement successifs de l’eau génèrent des contractions et dilatations thermiques de l’eau de mer provoquant une variation du volume de l’océan. De plus, l’eau échangée avec l’atmosphère et les continents (précipitations, évaporation et apport par les fleuves) contribuent également à ces variations du niveau des océans.

 

L’océan chauffe ! 

Sur la base d’observations géologiques, nous savons que le niveau de la mer est resté quasiment stable aux cours des derniers millénaires pour augmenter de l’ordre de 1,8mm par an aux cours des dernières décennies. Cette élévation du niveau de la mer au XXème siècle est attribué au réchauffement climatique probablement généré par l’ère industriel. Depuis la mise en place dans les années 90 des premières mesures par satellites, qui surveillent maintenant cette élévation sur la totalité des océans, les chiffres font frémir ! L’élévation moyenne est de 2,8 mm par an.

Deux facteurs sont responsables de ce changement du volume des océans :

 

  • le changement de la salinité de l’eau (précipitations et fonte des glaces continentales et polaires)

  • la température de l’eau (l’eau chaude se dilate).

Plus grave est l’évolution au cours du temps du rapport entre ces 2 facteurs.

Le réchauffement des océans, qui ne représentait que pour le ¼ de l’élévation globale dans la période 1950 / 2000, représente aujourd’hui (1993 / 2003) plus de la moitié !

Ce constat permet de comprendre l’importance de la veille qui doit être assurée par les satellites.

 

L’autre poumon

Les océans absorbent aujourd’hui environ 2 giga tonnes de carbones sur les 7 rejetées par les activités de l’Homme. L’inquiétude vient du fait que l’on ne sait pas si les changements climatiques actuels vont perturber les mécanismes et cette capacité d’absorption océanique du CO2. Les algues microscopiques de l’océan (phytoplancton), qui jouent un rôle majeur dans cette capacité d’absorption du CO2, sont elles aussi sous surveillance par les capteurs spatiaux qui surveillent la Couleur des océans.

 

L’Océan, la clef du climat

Comme nous venons de le voir, l’océan, l’atmosphère, les continents et la biosphère sont intimement liés et interagissent suivant des modèles complexes que l’on commence juste à comprendre.

Les échanges thermiques entre l’atmosphère et l’océan, qui ne réagissent pas de la même façon aux élévations et baisses de la température, sont au cœur de la régulation du climat.

Tantôt régulateurs, tantôt perturbateurs, les océans sont ainsi le lieu privilégié de transferts de chaleur avec l’atmosphère. L’océan est donc le principal régulateur du climat global. Son interaction avec l’atmosphère et ses conséquences sont au cœur du système climatique.

Nous comprenons pourquoi les différentes plate-formes spatiales dédiées aux océans, conjuguées aux autres mesures in-situ sont devenues essentielles à la compréhension de ces phénomènes complexes et à leur modélisation.

 

encart 1

Paroles d’astronautes

 « Le Pacifique, on ne peut pas l’appréhender rien qu’en contemplant une mappemonde, mais quand on se déplace à plus de sept kilomètres à la seconde et qu’il faut encore vingt-cinq minutes pour le traverser, alors on s’aperçoit qu’il est grand ».

Paul Weitz – USA – mission Skylab

 

« Nous apercevions les bancs de plancton formés grâce à l’upwelling passant  au large des cotes chiliennes. Le banc lui-même courait le long de la ligne côtière et lançait de longs bras fins vers la mer. A cet endroit-là, la pêche devait être bonne. »

Edward Gibson – UAS - mission Skylab

 

encart 2

Marrées terrestres

Phénomène totalement méconnu avant l’avènement du spatial, les marrées terrestres sont également prises en compte pour mesurer le niveau des océans. En effet, comme pour les masses d’eau attirées par les forces d’attraction du Soleil et de la Lune, la croûte terrestre subit cette attraction et se déforme. Cela se traduit par exemple en une amplitude de quelques 40 cm pour la France. Cette donnée doit impérativement être intégrée pour la localisation des satellites qui mesurent les océans. Des balises fixes ont donc été installées à la surface de la planète. Les satellites dédiés aux océans utilisent ce réseau DORIS et tient compte de ces variations pour effectuer son travail.

 

Remerciements

L’auteur tient à remercier le CNES et particulièrement Michel Lefebvre et Philippe Escudier, (Chef de projet JASON - successeur de Topex-Poséidon) pour leurs explications.

bottom of page