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Des Articles

 

Dernier sujet de la saga Lune rouge, le module lunaire LK.

Sur deux numéros et à l’aide des photos de ma maquette, je tente de décrire ce vaisseau dont encore beaucoup de choses restent dans le flou.

 

 

Lune rouge 6 - Un vaisseau secret d'état

Espace et Exploration n°08 – Mars/Avril 2012

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Depuis plusieurs numéros, nous somme revenus sur l’histoire des trois programmes lunaires mis en place par les soviétiques pour tenter de contrer les américains dans la course à la Lune. Pour terminer cette saga, nous avons choisi de nous concentrer sur le véhicule qui aurait du permettre cette victoire des soviétiques : l’objet 11F94 - le module lunaire LK, acronyme de Lunnly Korabl - Лунный Kорабль – (vaisseau lunaire en russe)

 

L’objet 11F94

Dés que l’on évoque Module Lunaire, ce qui vient à l’esprit du grand public est cette curieuse araignée dorée à 4 pattes : le LM d’Apollo.  Pour la taille, c’est encore plus flou ! Certes, il y a bien les images d’Apollo avec des astronautes à ses cotés, mais se retrouver face à un LM grandeur nature reste une expérience impressionnante. Plus de 7m de haut et surtout 15 tonnes sur la Lune malgré une apparente fragilité.

On comprend donc que prendre le module lunaire américain comme référence pour le comparer au module lunaire soviétique LK est une fausse bonne idée. Mais comme nous sommes dans une revue spatiale lue par quelques passionnés, je ne pourrais m’empêcher de me livrer à cet exercice.

 

Un vaisseau secret d’état

Le 10 décembre 1996, le dernier modèle d’essais du module lunaire soviétique, rentrait dans l’atmosphère terrestre et ses restes plongeaient dans l’océan Atlantique.

Pendant prés de 20 ans, alors que le Monde ignorait (presque) tout du programme lunaire de débarquement habité soviétique, les 3 uniques modules lunaires soviétiques ayant eu le privilège d’aller dans l’espace, tournaient au-dessus de nos têtes. (Voir encadré dans le n° précédent)

Réalisé dans le plus grand secret, ce véhicule spatial est représentatif à lui seul de l’ingéniosité, la créativité et l’enthousiasme qui régnaient parmi les ingénieurs spatiaux soviétiques, confronté à un contexte budgétaire notamment sous-estimé. Mais avec la chape de plomb du secret qui est retombée sur tout le programme - ‘’Tout doit disparaitre. Les soviétiques n’ont jamais voulu aller sur la Lune’’ – il est encore aujourd’hui difficile de percevoir toute la formidable aventure technologique et humaine réalisée autour de ce vaisseau.

Bien évidement, il reste encore quelques traces, quelques témoignages, quelques prototypes… Ce qui est certain, c’est que les quelques hommes qui ont participé à cette grande aventure, doivent avoir au fond de leurs armoires et de leurs mémoires, pas mal d’informations que les historiens ou les passionnées sauront un jour exhumer.

Beaucoup de choses ont été écrites depuis 40 ans et il existe une masse importante de documents et principalement le livre rédigé par celui qui avait en charge le développement de ce module lunaire. Beaucoup de points restent encore dans l’ombre ou font ici l’objet de simples hypothèses. Au lecteur de trancher en se replongeant dans les quelques archives existantes et les quelques images qui m’ont permis de réaliser cette maquette. 

 

Encart n°1           Prototypes, modèles d’ingénierie ?

Pour son développement et jusqu’à l’arrêt du programme, le LK a fait l’objet d’une quantité importante de modèles.

  • Modèle pour procédures de sorties lunaires (première maquette en bois du LK)

  • Maquette pour réalisation de tests électriques

  • Maquette électrique

  • Maquette d’essais du Blok E (moteurs) pour test thermiques et vide

  • Maquette pour le test des antennes

  • Construction de 3 Blok D pour les essais des moteurs

  • 3 modèles d’essais en orbite terrestre

  • 2 prototypes ou maquettes des 2 vols N1

  • 4 (ou 5) modèles (connus) d’ingénierie ou de vol

    • MAI - Moscou Aviation Institut

    • Kaliningrad Technical Institute - Moscou

    • Mozhaisk Military Institut – Saint Petersbourg

    • NPO Yuzhnoye – Dnyeprpetrovsk – Ukraine

    • Orevo ? 

 

Développement du module LK ou La feuille de route du LK

Dans le cadre du projet lunaire N1/L3 mis en œuvre par le bureau d’étude de Korolev (OKB-1), la direction du projet de module lunaire LK fut confiée à V.M Filin. Mais compte tenu de l’importance du travail que l’OKB-1 assurait sur les vaisseaux habités du moment et le développement du futur Soyouz, il fut décidé de sous traiter le LK au bureau d’étude de Mikhail Yangel. (OKB-586, situé à Dniepropetrov en Ukraine). L’équipe de Yangel fut chargé de la conception détaillée du LK, de son homologation ainsi que la réalisation de son bloc moteur – le Blok E.

De grosses erreurs d’estimations dans le projet initial oblige les ingénieurs de l’OKB de Yangel à remettre ‘’à plat’’ le projet. Un seul exemple significatif : la masse du LK, estimée à l’origine à 2 Tonnes pour un équipage de deux cosmonautes, atteint en fin de projet une masse de 5,5 Tonnes pour un seul cosmonaute !

Le problème du poids est la préoccupation constante des ingénieurs qui se voient même proposer des primes de 50 à 60 roubles (1965) par kg supprimé ! Les négociations entre les deux OKB sont fermes. La masse de comburant disponible pour le Blok-E, devant assurer le freinage et la remonté en orbite, est impérativement fixé par Michine, le successeur de Korolev, à 280 kg maximum, pas une goute de plus !

Une autre préoccupation majeure du projet est le maintien du centre de gravité du véhicule. Pas besoin d’être un expert pour comprendre, dés la première observation, que le centre de gravité de ce véhicule ne doit pas être situé très bas. L’informatique, quasi inexistante en URSS et donc, à bord des vaisseaux soviétiques de l’époque, ne peut venir au secours du pilote.

C’est principalement le calcul du maintient de l’axe de la poussée des moteurs sur celui du centre de gravité de l’engin qui pose le plus de problèmes. La marge de variation n’était que de… 3 cm. Cela oblige de prévoir un blocage rigide du cosmonaute en scaphandre en position debout dans le compartiment hermétique. Les pieds dans les calles pieds, le cosmonaute dans son scaphandre Kretchet se ‘’verrouille’’ au niveau du nombril, au centre du ‘’guidon’’ de pilotage. C’est aux lourdes batteries chimiques, qui ne cessent de changer de place tout au cours du développement, qu’incombent la difficile gestion du centre de gravité du véhicule. A la fin du développement, les 3 affectées à l’étage de descente et la marche lunaire trouvent place à coté de l’échelle et les deux nécessaires à l’étage de remonté pour le rendez-vous et la jonction, rééquilibrent l’insecte à la grosse tête et prennent place en porte à faux, coté arrière gauche.

Mais avant de renter dans les détails de ce véhicule, essayons de comprendre ce qui a amené les techniciens sur cette forme originale. La lecture du livre de référence écrit par Filin* de l’OKB de Korolev, décrit bien tout le développement du LK et laisse également transparaitre au fil des pages, l’ambiance qui régnait à l’époque.

*A découvrir sur internet à l’adresse suivante : http://www.testpilot.ru/espace/bibl/filin/obl-fil.html

 

Le Projet de l’atterrisseur lunaire LK - Quel concept ?

Comme aux USA, les concepteurs se posèrent la question de la consistance du sol lunaire.  N’oublions pas qu’aucune sonde ne s’était encore posée (Luna 9 et Surveyor 1 le feront en 1966).

Remettons-nous dans le contexte de l’époque, oublions tout ce que nous savons sur les modules lunaires et reprenons le problème à la base.

 

Les concepteurs ont pris le parti de bien séparer les fonctions et e leur affecter des éléments distincts :

  • Le doter d’un étage spécifique qui va être chargé du décrochage de l’orbite et de ralentir sa descente, Le Block D

  • Le doter de jambes pour lui apporter de la stabilité sur le sol. Le LPU

  • L’équiper au dessus d’un étage de remonté, lui-même composé d’une cabine pressurisée qui va être chargée de transporter et déposer le cosmonaute, lui permettre de sortir pour travailler sur la Lune et le ramener en orbite lunaire pour lui permettre de retrouver le vaisseau orbital. A cette cabine est associé un module également pressurisé abritant les équipements. Cet étage supérieur est doté d’un module supérieur permettant l’orientation du véhicule et la liaison avec le véhicule orbital. Enfin tout en bas, un unique bloc moteur va assurer l’alunissage final et le décollage de la Lune, le Block E.

  •  

Dans le premier croquis qui accompagnait la feuille de route du projet, le problème du centre de gravité du LK était déjà perceptible. La recherche de solution se répercuta même sur la conception du train d’alunissage où parmi les nombreuses et curieuses propositions, il fut imaginé de placer au bout des jambes un compartiment torique contenant les équipements, pour tenter d’abaisser le centre de gravité du LK situé à + de 2,5m du sol !

 

LK – Description technique

 

Le Block D – L’étage de descente lunaire

Le Bolck D, objet 11S824 est certainement l’élément le plus célèbre du programme. Il fut notamment développé en 1966 pour les deux programmes habités lunaires (L1 et L3) et c’est à lui que l’on confiera les sondes lunaires automatiques. Il connaitra une grande carrière par la suite sous le nom de Block DM et ses dérivés. C’est un gros cylindre de 3,7m de diamètre long de 5,7m.

Dans le cadre de la mission lunaire habitée, ce Block D à déjà fonctionné pour éventuellement modifier la trajectoire Terre-Lune et placer le train spatial L3 en orbite lunaire (voir E&E n° ?). Une fois le cosmonaute passé dans le LK, la coiffe protectrice reliant le LK et le LOK est éjectée et les deux véhicules prennent leur autonomie et le Block D va être rallumé à nouveau.

Sa dernière mission, faire décrocher le LK de son orbite et l’amener des 14 km d’altitude de l’orbite lunaire à l’altitude de 2km à 1,5km env. à une vitesse de 100m/s (360 km/h), avant de se séparer et d’aller percuter le sol, laissant le LK finir seul l’alunissage.

 

Le train d’alunissage du LK

– LPU – LUNNIY POSADOCNIE USTROISTVIY - Dispositif d’atterrissage lunaire

C’est la partie qui reste sur le Lune supportant tout ce qui n’est pas utile pour la remontée en orbite.

Pour rester dans la simplicité de cette définition, on peu rajouter que la partie inférieure du LK est de forme carré, qu’elle assure la stabilité du vaisseau sur la Lune et sert de base de lancement pour le décollage.

L’intérieur de la structure est vide, creuse et accueille la partie inférieure de forme demi-sphérique du bloc moteur qui fait partie intégrante de l’étage de remonté.

 

4 jambes tubulaires prennent appuis sur 4 consoles qui dépassent du bâti général du LPU. La solution d’origine, de ne retenir que 3 jambes comme les Surveyor américains, fut rapidement abandonnée car exigeait une envergure 2 fois plus grande. Après une vingtaine de projets Les 4 jambes sont orientées en diagonales par rapport à l’axe général avant/arrière du véhicule. Chaque jambe se termine par un patin circulaire équipé en sous face d’une partie bombée, réalisée en nid d’abeille, qui en s’écrasant assure une partie de l’amortissement de l’atterrissage. Enfin, chaque jambe est contreventée par deux amortisseurs fixés sous la structure porteuse.

 

Tout en haut, logés contre les consoles, sont fixés 4 blocs moteurs à poudre, avec les tuyères orientées vers le haut ! Au moment du contact avec le sol lunaire, quand le moteur est coupé, le pilote les met en marche avec pour effet de plaquer le module sur le sol afin d’assurer sa stabilité sur des pentes jusqu’à 30° d’inclinaison. Il est vrai que le visionnage des films d’essais d’alunissage sur sol en pente est édifiant ! Toujours le problème du centre de gravité.

 

 

Répartis autour de cette structure, les différents équipements essentiels vont trouver place. Sur le coté droit on trouve l’une des pièces essentielles : le radar. La solution adoptée fut d’utiliser un radar dont les 4 faisceaux délimitaient les arrêtes d’une pyramide asymétrique. 3 des ces cotes devaient permettre de déterminer la vitesse et le dernier déterminant l’altitude, plus précisément la distance restant avec le sol. Ce radar nommé Planeta fut testé sur les sondes lunaires automatiques où il fut constaté une difficulté de se protéger des signaux parasites induits par les rochers à la surface du sol. Le LK n’aura pas la possibilité de tester sur place son radar.

Juste au-dessus, un compartiment pressurisé, de forme caractéristique ‘’à la soviétique’’ abrite l’instrumentation du LPU. Presque une œuvre d’art !

 

Deux paires de réservoirs d’eau pour l’unité de vaporisation sont installés symétriquement sur la face avant et arrière.

Les coté droit est réservé à l’énergie et à l’échelle. 3 lourdes batteries chimiques vont être logées dans une structure fixée latéralement, laissant la place suffisante pour 3 volets de marches d’une échelle repliée de 15 marches. Avec la première partie fixée à l’étage de remontée composée de 7 marches, c’est un total de 22 barreaux que le cosmonaute doit descendre avant de fouler le sol lunaire. Apollo est battu !

Symétriquement, à l’avant droit et l’arrière gauche, deux mats articulés se déploient après l’alunissage pour assurer la liaison télévisée après un réglage dans les 3 axes.

 

Reste à faire dialoguer cette partie inférieur avec l’étage de remonté pour recevoir les ordres. Cette mission est confiée à un bras ombilical situé sur le coté droit du LK, et qui va naturellement s’ouvrir avant le décollage.

Enfin, sous l’orifice central où vont prendre place les tuyères, deux volets mobiles articulés sont astucieusement logés avec un rôle étonnant.

La masse du LPU avoisine les 1 440 kg sur les 5 560 kg du LK, à peine supérieur au ¼ du poids.

 

Reste le matériel scientifique.

Les quelques rares images et évocations que l’on arrive à trouver dans la littérature, semble confirmer que deux conteneurs devaient prendre place là où il reste de la place, à l’avant et sur le coté arrière gauche. Si l’on met en adéquation les photos des outils lunaires développés, testés au sol et en gravité réduite dans les avions par les cosmonautes, on en déduit que ceux-ci devaient être démontables et logeables dans ce qu’il semble être les conteneurs, tels qu’ils sont représentés sur cette maquette. Le pack scientifique est donné pour 105 kilogrammes et devait comprendre un bras robotique de 59 kg avec foret, opérationnel pendant 60 minutes. L’histoire ne dit pas si ce pack scientifique devait être du premier voyage.

 

Dans le prochain article, nous examinerons en détail la partie supérieure du LK, celle qui abritait le cosmonaute.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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