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Des Articles

 

Suite et fin de l'histoire de la N1.

 

Lune rouge 5 - La mise au point du programe L3

Espace et Exploration n°07 – Janvier/Février 2012 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après avoir vécu deux premiers échecs, avec cet article nous allons voir comment les ambitions lunaires soviétiques sont parties en fumée avec la quatrième explosion de leur lanceur N1. Dans les prochains numéros, nous conclurons cette série d’articles par la description du module lunaire LK.

 

Nouveau planning

Après l’échec spectaculaire du 3 juillet 1969, un nouveau planning de développement pour le programme est établi.

1970 – deux vols 6L et 7L avec à nouveau des vaisseaux L1S sans équipages.

1972 – trois lancements 8L, 9L et 10L utilisant des vaisseaux automatiques avec mission pour le LOK de photographier et ramener les images des sites d’alunissage.

1973 – trois missions pilotées pour répéter la mission en orbite lunaire, 11L, 12L et 13L.

1974 – trois missions. La première automatique 14L pour déposer le LK de secours, puis les missions habitées 15L et 16L.

Des 16 LOK programmés, 3 sont en cours de tests, 7 partiellement assemblés et le reste n’est que sous la forme de pièces détachées. 

 

Troisième lancement : 6L - 27 juin 1971, 2 h 15 mn 7 secondes (heure de Moscou)

Après 2 ans de modifications et d’essais sur les moteurs, la troisième tentative de lancement de la N1 se prépare en cet été 1971 depuis le pas de tir n°2. Il n’y a plus d’enjeu, les dés sont jetés ! Sur la Lune, trois drapeaux américains sont déjà plantés et celui d’Apollo 15 se prépare à les rejoindre dans un mois. Le programme L3 évolue et on parle maintenant de programme L3M. On évoque même des moteurs cryogéniques pour les étages supérieurs de la N1. On poursuite toutefois la mise au point de ce lanceur, le plus puissant que l’URSS tente de mettre au point. C’est la joie sur le pas de tir et dans l’espace. Depuis Saliout 1, les 3 recordmans de séjour dans l’espace vont assister au lancement qui est programmé pour le prochain passage de l’équipage de Soyouz 11.

Cette fois, c’est un modèle du LOK qui est installé avec celle d’un LK. Les 30 moteurs du Block A fonctionnent correctement mais c’est le lanceur qui pose problème. Il tourne sur lui-même déviant la trajectoire et entrainant des contraintes sur les structures. A la 51ème seconde le système KORD coupe les 30 moteurs et ce qui reste du lanceur tombe à 20 km de son point de départ provoquant un cratère de 15 m de profondeur encore visible sur place de nos jours! Troisième échec mais toujours parfait fonctionnement du système de récupération de la capsule. La seule chose qui semble bien fonctionner !

 

Quatrième et dernier lancement : 7L - 23 novembre 1972, 9 h 11 mn 52 secondes (heure de Moscou)

Une nouvelle parade a été mise en place avec des moteurs chargés d’assurer le contrôle de la rotation du premier et second étage.

Cette fois, le lanceur s’élève de manière nominale. C’est un LOK et un LK qui vont être placés en orbite terrestre. Conformément au programme, à la 90ème seconde, les 6 moteurs centraux des 30 que compte le premier étage sont coupés réduisant naturellement la poussée. Mais cette réduction de poussé est violente et provoque un choc hydraulique dans les canalisations de propergols, qui cèdent…et à nouveau, incendie…destruction du lanceur. 107 secondes de vol. Il ne manquait que quelques secondes avant l’allumage du second étage ! Ce sera le plus long vol d’une N1.

Deux N1 sont construites et Michine, le constructeur principal qui a succédé à Korolev, propose que les vols 8L et 9L permettent de réaliser un vol entièrement automatique, alunissage compris et il propose l’été 1974 pour le premier lancement. Ainsi, la N1 serait opérationnelle en 1976 permettant au vol 10L d’être celui du débarquement habité.

 

Et les vaisseaux ?

Parallèlement au développement du lanceur N1, la mise au point des deux vaisseaux du programme L3 et certains de leurs équipements, devaient être réalisés.

On sait que le transfert du cosmonaute du LOK au LK, fut répété en janvier 1969 lors du vol de Soyouz 4 et 5. La répétition de cette étape de la mission lunaire était déjà au programme de la première mission Soyouz, qui s’est tragiquement terminée pour Komarov.

Une autre phase du vol L3 devait faire l’objet d’une validation en orbite terrestre avec deux Soyouz ; la jonction avec le système Kontact. L’un des Soyouz aurait été actif, simulant le LOK avec à son bord les cosmonautes Filipchenko et Gretchko. L’autre Soyouz, passif comme le LK aurait été occupé par Dobrovolski et Sevastianov. La mission fut annulée en janvier 1971.

Il était également planifié de tester le LOK en orbite terrestre, lancé par une Proton. Ce LOK d’essais portait le nom technique de T1K. Par manque de fond, aucun LOK ne prendra la route de l’espace.

Rappelons que le Block D, utilisé pour les missions L1 et permet au LK d’effectuer la descente vers la Lune, fut testé en orbite terrestre avec Cosmos 382. (Voir E&E n°3)

Le module lunaire, dont nous consacrerons le prochain article, eu plus de chance et passa au travers des contraintes budgétaires, plus probablement grâce à la fermeté et au charisme de son constructeur : Yangel. Débarrassé de ses 4 jambes d’alunissage, le module lunaire effectua en orbite terrestre 3 vols parfaitement réussis sous l’étiquette Cosmos. De son vrai nom industriel : T2K, le module lunaire fut confié au célèbre lanceur Semiorka.

 

Les essais du module lunaire T2K

 

Vol 1 : 24 novembre 1970 – COSMOS 379 – T2K

                Masse : 7 495 kg. Mise en orbite 192 x 233 km, inclinée à 51,6°. 3 jours plus tard, l’alunissage est simulé et l’orbite modifiée ; 196 x 1 206 km. La remonté en orbite lunaire est à son tour répétée et l’orbite passe à 188 x 1 198 km avant d’atteindre 177 x 14 041 km. Les observateurs qui surveillent ces manœuvres et les fréquences utilisées, imaginent que de grandes manœuvres se préparent à l’Est. Le satellite est l’objet de toutes les attentions et pendant… 13 ans, il poursuit sa ronde. Le 21 septembre 1983, il rentre dans l’atmosphère.

 

Vol 2 : 26 février 1971 – COSMOS 398 – T2K

                Masse : 7 255 kg. Même profil de vol que lors de la mission précédente. L’alunissage et le largage du train sont à nouveau simulés et le modèle d’essais du LK se retrouve sur une orbite 200 x 10 905 km qui lui assure quelques années de vol. 25 ans !plus tard, le 10 décembre 1996 il rentre et est détruit dans l’atmosphère au dessus de l’Atlantique.

 

Vol 3 : 12 aout 1971 – COSMOS 434 – T2K

Le troisième test se déroule parfaitement à l’image des deux autres. Il se désintègrera en aout 1981 au dessus de l’Australie.

 

L2 - N’oublions pas les robots ?

Un mois après le dernier échec de la N1, le programme Apollo se termine en beauté avec Apollo 17. Maigre consolation pour les soviétiques,  leur programme sondes automatiques. Au prix d’un gros mensonge d’état, ce programme devient officiellement le seul que l’URSS à mis en place pour répondre au programme Apollo. Destinés à la base à assister les hommes pour leur mission de débarquement lunaire, les techniciens font évoluer la sonde et ils confient à la plate forme d’alunissage un dispositif pour collecter et ramener automatiquement des échantillons de roches lunaires. Les soviétiques atteindront presque l’exploit avec Luna 15 qui rate son alunissage au moment même où l’équipage d’Apollo 11 se repose dans la LM après la marche lunaire. Si Luna 15 avait fonctionné, l’histoire aurait connu un léger revers. En septembre 1970, Luna 16 parviendra à ramener 105 grammes de Lune.  Deux autres suivront et 200 grammes supplémentaires seront collectés. A leur tour, 2 Lunokhod connaitront leurs heures de gloire. En novembre 1970, le premier effectuera en 11 mois, un parcours de 10 km. Le second 37 km en 4 mois et demi. Après ces ‘’succès’’, le programme n’a plus le même intérêt pour les dirigeants. Le dernier Lunokhod reste sur Terre faute de lanceurs Proton disponibles. Il est aujourd’hui dans le musée du concepteur Lavotchkine. Mais s’il vous arrive un jour de le voir, rappelez-vous que ces deux frères furent les premiers à laisser des traces de roues sur un autre corps céleste et qu’ils auraient pu, en cas d’urgence, transporter un cosmonaute !

 

La FIN de l’histoire

Les échecs successifs donnent de bonnes raisons à la relance des rivalités entre les constructeurs. Michine, le chef d’orchestre du programme N1/L3, est démit de ses fonctions et remplacé par le pire ennemi de Korolev ; Glouchko. Celui-ci se penche sur un nouveau projet de lanceur sur lesquels il va utiliser des moteurs cryogéniques, les mêmes qu’il refusa à Korolev pour la N1. Son projet Vulkain deviendra Energia et lorsque les premières études sur la navette débuteront en 1976, le programme N1/L3 sera définitivement arrêté.

La frustration est énorme pour toutes ces femmes et ces hommes quand la chape de plomb du secret d’état tombe sur leur décennie de travail.

Toute trace sera effacée, y compris 6 lanceurs N1 déjà produits. Seuls les moteurs NK-15, devenus NK-33 du premier étage, parviendront à traverser l’histoire. 36 des 150 moteurs restés cachés seront finalement vendus en 1996 à l’industrie américaine.   

 

Prochain numéro : Le module lunaire LK

 

 

 

 

 

Pour cet article, je demandais au russe 

Vladimir Antipov de m'autoriser à publier

une des photos qu'il prit des restes du

module lunaire aprés l'explosion du 3ème tir.

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