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Suite et fin de la description d'un vol type N1/L3 tel qu'il avait été imaginé.

 

Lune rouge 3 - Comment les soviétiques avaient prévu de marcher là-haut

Espace et Exploration n°05 – Septembre/Octobre 2011 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le précédent numéro nous avons découvert comment les concepteurs soviétiques avaient envisagés le début du déroulement de la mission lunaire habitée. Après avoir déposé deux véhicules automatiques destinés à choisir le meilleur site d’alunissage, expédié un module lunaire de secours, nous avons laissé nos deux cosmonautes dans le vaisseau LOK en orbite lunaire. Reprenons notre récit.

 

 

Le complexe L3 se trouve sur une orbite elliptique de 100 km d’apogée et d’un périgée compris entre 20 et 14 km. 

Il est temps pour le cosmonaute lunaire de rejoindre le LK. Pour des raisons de masse disponible, les deux vaisseaux n’ont pu être équipés d’un système de jonction comportant un tunnel de passage.

 

Sortie en orbite lunaire

Seule solution, effectuer un sortie dans l’espace (mission répétée lors la mission Soyouz 4 et 5 en 1969). Chaque cosmonaute enfile son scaphandre – Orlan pour celui qui va rester en orbite lunaire et Kretchet pour le marcheur lunaire. Ils ne vont plus les quitter !

Le compartiment orbital du LOK est dépressurisé, la porte est ouverte et le pilote du LK se glisse à l’extérieur où à l’aide de mains courantes, il se dirige vers l’arrière du vaisseau. Arrivé le long de la coiffe qui protège encore le module lunaire LK, il saisit la poignée qui libère une trappe découpée dans sa paroi.

La trappe retirée de la coiffe, il peut enfin atteindre la poignée qui dépressurise l’habitacle du LK dont il peut alors ouvrir la porte. Installé à l’intérieur, debout dans ses cales pieds et solidaire du véhicule, le cosmonaute vérifie les systèmes vitaux du vaisseau. En accord avec le pilote du LOK, la coiffe est éjectée, rendant chaque vaisseau autonome.

Le LOK recule et laisse le pilote du LK procéder aux dernières procédures d’orientation avant la remise en marche du moteur du Block D.

La poussée du moteur de freinage réduit la vitesse et enclenche la décente du LK toujours solidaire du Block D. Ce dernier n’est éjecté qu’entre 2 000 et 1 500 mètres d’altitude, passant le relais au moteur du LK – le Block E,  pour assurer le freinage final et l’alunissage.

Le point d’alunissage du LK est précisément déterminé par la Terre, sur la base su positionnement des véhicules déjà sur le sol de la Lune. Pendant toute la descente, les radiophares des Lunokhod (et du LK ?), renseignent le pilote sur son objectif. Cette procédure entièrement automatique ne laisse au pilote qu’une marge de 15 à 20 secondes de vol stationnaire pour éventuellement modifier le point de visée initial. C’est peu !

Une fois le cosmonaute posé, la Terre détermine l’itinéraire de déplacement des Lunokhod pour atteindre le LK habité. Le pilotage des Lunokhod est assuré pendant les périodes ou le LOK en orbite lunaire, n’est plus en radio contact avec la Terre, sauf en cas d’urgence.

Dans l’hypothèse où le cosmonaute doit impérativement utiliser le LK de secours, le pilotage des Lunokhod pour rejoindre le cosmonaute va être assuré sans discontinuer.

 

 

L’Homme et le robot.

Le plus étonnant est que les soviétiques avaient envisagé d’utiliser les Lunokhod pour porter secours au cosmonaute afin de l’aider à rejoindre le LK de secours. Dans la conception des Lunokhod, une zone est réservée à l’avant pour que le cosmonaute puisse monter sur le véhicule et connecter son alimentation en oxygène sur l’engin. Il dispose également d’une télécommande pour le piloter son déplacement dans un mode plus rapide que celui imposé par le télé pilotage depuis la Terre.

Depuis l’orbite lunaire et pendant les deux survols qui suivent l’alunissage, des mesures sont effectuées et transmises à la Terre pour déterminer les paramètres du décollage du LK. Le premier séjour du LK sur la Lune est limité à 6 heures dont 2 pour la sortie en scaphandre. Pour les missions suivantes le séjour pourra atteindre 48 h. La sortie et les grands moments des activités du cosmonaute sont filmés et retransmis vers la Terre par les caméras des Lunokhod.

 

Ces activités ainsi que la description du LK seront décrite ici même dans un prochain article. (NDLR)

 

Retour

Le décollage et les manœuvres orbitales du LK sont assurées par le même Block E qui a permit d’assurer la phase finale de l’alunissage. Contrairement au LM du programme Apollo, le Block E dispose d’un moteur de secours en cas de défaillance du moteur nominal.

C’est le LOK qui est le vaisseau actif pour la phase de rendez-vous. A l’avant du LOK, un dispositif de contrôle d’attitude complète le moteur principal – le Block I. Le système de jonction dénommé KONTACT est réduit à sa plus simple expression : le LOK possède à l’avant, une tige qui pénètre dans un des 96 trous d’une structure fixée au dessus du LK.

Après rétraction de la tige, la jonction est rigidifiée et le cosmonaute peut enfin reprendre, dans le vide spatial, le chemin inverse avec sa précieuse cargaison pour rejoindre son compagnon qui l’attend et l’assiste en scaphandre, dans le compartiment orbital du LOK.

 

Avant le départ, le LOK se débarrasse ensuite du LK et de son compartiment orbital lors de la 38ème orbite lunaire.

 

L’orbite suivante, durant le survol de la face cachée, le Blok I du LOK est remis en route pour prendre la trajectoire de retour, dans une configuration semblable aux Zond.

 

La durée du vol est plus courte – 82 heures environ – et comme lors du voyage aller, deux corrections de trajectoires sont effectuées, 24 et 44 heures après avoir quitté l’orbite lunaire. Là aussi, la fourchette d’exécution de ces corrections est de 2 à 4 heures.

Deux heures avant la rentrée atmosphérique, le LOK est orienté pour garantir la parfaite trajectoire de rentrée de la capsule en fonction de la zone d’atterrissage choisie. En effet, les vols de développement devaient permettre de choisir entre les deux options Nord ou Sud : l’Océan Indien ou le territoire de l’URSS. Dans l’option Sud, l’atmosphère était abordée à 11 km/s au-dessus du pôle Sud pour ‘’rebondir’’ jusqu’à 5000 km d’altitude.

Ce premier freinage ralenti la capsule à 7,5 km/s, vitesse à laquelle elle pénètre une seconde fois au dessus de l’URSS pour s’y poser, là aussi, suivant la procédure testée avec les Zond.

Les deux hommes retrouvent la Terre et leur précieuse cargaison est prise en charge par les équipes de récupération.

 

 

Voilà donc le projet L3 tel qui fut imaginé par ses concepteurs dans les années 60.

Une petite merveille d’ingéniosité pour tenter de réussir l’impossible avec les moyens dont ils disposaient. 3 mots qui résument bien ce programme de débarquement lunaire.

L’ingéniosité : véritable fil rouge qui marque toutes les étapes du développement du projet, ingéniosité toujours associée à un grand enthousiasme des équipes,

Les moyens : qu’ils soient techniques et surtout financiers, ont cruellement manqué à tous les niveaux pour tenter de répondre aux objectifs donnés,

Réussir l’impossible : les ambitions étaient fortes. Les marges techniques dans le déroulement de la mission quasi inexistantes… Si d’aventure, la mission aurait pu être tentée, je ne doute nullement que Leonov ne soit pas monté à bord, pour relever le défi. Mais il aurait du être bave et avoir beaucoup de chance! Car la simple lecture de la description de la mission fait froid dans le dos.

Mais comme nous le savons tous, l’histoire en a voulu autrement.

 

Prochains numéros : La mise au point du programme L3

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